Chercheure principale
Avec collaborateur suisse Yves Emery, IDHEAP
Spécificité du secteur public : développement du concept d'ethos public par une étude comparée Canada/Suisse
Subvention 2012-2016 du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH)
De mai 2012 à décembre 2016
Les réformes administratives du secteur public, répandues dans l’ensemble des pays de l’OCDE ces vingt dernières années, ont été essentiellement inspirées par les méthodes de gestion du secteur privé et les mécanismes de marché. Ces réformes affectent durablement le contexte dans lequel travaillent les agents publics, questionnant leurs valeurs et motivations, voire plus fondamentalement leur identité professionnelle. La confrontation actuelle des modes de fonctionnement privé et public a le mérite de soulever l’interrogation sur la spécificité de ce qui anime ces deux domaines d’action humaine. Bien que certaines études fassent état de l’existence d’un ethos spécifique au secteur public, il est souvent réduit aux questions abstraites de valeurs ou aux motivations individuelles des agents. Or l’ethos public est plus qu’une collection de valeurs particulières comme la poursuite de l’impartialité ou l’intégrité. C’est aussi plus que la somme des motivations individuelles. L’ethos public, c’est une manière de vivre ensemble qui permet de concrétiser des valeurs dans l’action et qui peut soutenir une visée éthique du bien commun. Voilà ce qu’une étude exploratoire nous a permis d’avancer et que nous désirons élaborer plus en profondeur dans cette recherche.
Peu de chercheurs ont tenté de comprendre comment l’ethos public se développe et comment il s’exprime en termes de dynamiques sociales au sein des organisations publiques. Cette recherche vise à comprendre, à partir de récits de vie de gestionnaires, comment ils en sont venus à comprendre et interpréter la spécificité du secteur public et comment cet ethos se caractérise pour eux en termes de relations et d’interactions sociales avec leur personnel, les politiques, les groupes d’acteurs avec lesquels ils interagissent et les citoyens. Nous comparerons des gestionnaires de la fonction publique canadienne et québécoise, avec des gestionnaires de la fonction publique Suisse et Suisse romande, sachant que dans les deux pays, le niveau fédéral a été plus ouvert à utiliser les logiques de la Nouvelle gestion publique, alors que les niveaux québécois et suisse romand ont été plus réticents à le faire. De plus, nous pensons que la comparaison permettra de révéler en quoi les mélanges des logiques et valeurs des secteurs privé et public menacent la spécificité de l’ethos du secteur public ou contribuent à la transformer et à la reconstruire.
Considérant le rôle essentiel exercé par les gestionnaires dans le fonctionnement du système politico-administratif, et l’importance des dynamiques sociales pour le fonctionnement et l’intégrité de l’action de l’État, les résultats de cette recherche seront très utiles pour :
• mieux cerner les différentes manifestations de l’ethos public, en lien avec différents contextes institutionnels et organisationnels de travail, et identifier les effets actuels des réformes, ce qui permettra d’alimenter les débats publics sur ces réformes
• mieux cerner les évènements-clés marquant la trajectoire professionnelle des gestionnaires publics, et enrichir la réflexion sur les processus d’engagement, de formation et d’évolution professionnelle, ce qui alimentera la réflexion sur la gestion des ressources humaines
• analyser et faire évoluer les concepts et outils de gouvernance et de management publics mis en œuvre dans les organisations du secteur public